LE RÉGULATEUR SUISSE ORDONNE À BOOKING COM DE RÉDUIRE SES COMMISSIONS HÔTELIÈRES DE 25 %

Vanderlei J. Pollack - May 26, 2025
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Une décision marquante a été rendue par le Surveillant des prix suisse : Booking.com doit abaisser d'environ un quart les commissions facturées aux hôtels du pays, car jugées "excessives". Ce verdict, visant à dynamiser la compétitivité du secteur hôtelier suisse, a ouvert un débat passionné sur le rôle des agences de voyages en ligne (OTA) dans l'industrie touristique globale. Booking.com a d'ores et déjà annoncé son intention de faire appel, et d'autres instances de régulation examinent les pratiques de la plateforme, ce qui pourrait engendrer des conséquences notables pour le secteur du voyage.

Coup dur pour les commissions de Booking.com

Cette annonce du Surveillant des prix suisse, une entité indépendante rattachée au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche, s'appuie sur la loi sur la surveillance des prix, conçue pour prévenir les prix abusifs non justifiés par une réelle concurrence. La décision intervient après l'échec des discussions entre Booking.com et les hôteliers helvétiques. Le régulateur a justifié cette mesure comme "nécessaire" afin d'alléger la pression financière sur les hôtels et, par ricochet, sur les clients. Booking.com est tenu d'appliquer cette réduction de 25 % dans les trois mois suivant la décision finale, et de la maintenir pendant trois ans. L'entreprise dispose de 30 jours pour faire appel auprès du Tribunal administratif fédéral.

L'autorité de surveillance a insisté sur le fait que la diminution des commissions renforcera la compétitivité des hôtels suisses sur un marché mondial particulièrement concurrentiel. "L'objectif est de favoriser la compétitivité des hôtels suisses sur un marché mondial exigeant et, indirectement, de réduire la charge financière qui pèse sur les clients", a-t-elle souligné. Pour un secteur qui s'appuie sur des plateformes telles que Booking.com pour sa visibilité à l'international, particulièrement les établissements de petite taille, cette décision répond à une préoccupation de longue date concernant les commissions élevées, qui atteignent fréquemment 15 % voire plus.

Réponse et appel de Booking.com

En tant qu'acteur dominant sur le marché des OTA, Booking.com a rapidement exprimé son désaccord et confirmé son intention de faire appel. Un porte-parole a affirmé que l'inscription sur la plateforme est un choix, les hôtels étant libres de promouvoir leurs établissements ailleurs. "Nos partenaires hébergeurs disposent de nombreux moyens pour promouvoir leurs établissements auprès des clients ; ils ont donc le choix de référencer leurs établissements sur notre plateforme ou ailleurs. Nous sommes contre une réduction forcée du coût d'un produit entièrement facultatif", a-t-il déclaré. Cette prise de position illustre les tensions entre les OTA et les hôtels, les plateformes mettant en avant leur contribution à la génération de réservations, tandis que les hôtels dénoncent le coût financier des commissions.

Un coup de projecteur réglementaire plus large

La décision suisse s'inscrit dans un contexte de contestations réglementaires croissantes pour Booking.com. En mai 2024, la Commission européenne a classé l'OTA comme contrôleur d'accès en ligne en vertu de la loi sur les marchés numériques, contraignant Booking.com à supprimer les clauses de parité (obligeant les hôtels à proposer des tarifs identiques ou supérieurs sur la plateforme par rapport à d'autres canaux) d'ici novembre. En juillet, les autorités de régulation espagnoles ont infligé une amende de 413,24 millions d'euros à Booking.com pour abus de position dominante sur une période de cinq ans, invoquant des conditions commerciales inéquitables pour les hôtels espagnols et des restrictions de concurrence pour les autres OTA. Ces actions témoignent d'une attention accrue portée au pouvoir de marché et aux pratiques tarifaires de Booking.com en Europe.

Point de vue de l'industrie hôtelière

Les hôtels suisses, en particulier les plus petits, dépendent énormément des OTA pour leur rayonnement international. Jürg Stettler, directeur de l'Institut du tourisme et de la mobilité de Lucerne, l'a souligné : "Pour de nombreux petits hôtels, Booking.com est crucial". La Haute école spécialisée de Lucerne a mis en lumière cette réalité : "Les plateformes sont cruciales, surtout pour les petits hôtels. Sans plateformes comme Booking, il leur serait impossible d'exister sur le marché mondial." Il faut toutefois relever que les commissions élevées entament les marges, et l'intervention du régulateur est donc perçue positivement par beaucoup. Une commission de 15%, comme l'a souligné Stettler, a un impact significatif sur la santé financière des hôtels et « n'est pas juste mise de côté ».

Des acteurs du secteur, tel Hostettler, un hôtelier suisse, ont exprimé l'espoir que cette décision serve de précédent pour d'autres OTA. « J'espère que la réprimande du régulateur des prix aura un effet sur les autres portails », a déclaré Hostettler. Il suggère qu'Expedia ou Airbnb pourraient être confrontés à des pressions similaires pour revoir leurs commissions. L'appel de Booking.com, porté devant le Tribunal administratif fédéral, pourrait néanmoins retarder tout impact plus large.

Implications pour le secteur du voyage

Cette décision helvétique a le potentiel de modifier la dynamique entre les OTA et les hôtels, notamment sur des marchés concurrentiels comme la Suisse, où le tourisme est un pilier économique. La baisse des commissions pourrait permettre aux hôtels de proposer des prix plus avantageux pour les voyageurs. Néanmoins, si l'appel de Booking.com aboutit ou si d'autres plateformes s'opposent à des mesures analogues, le statu quo pourrait se maintenir, laissant les hôtels partagés entre leur dépendance aux OTA et la nécessité de conditions plus équitables.

Par ailleurs, cette décision pose des questions quant à l'avenir des modèles économiques des OTA. L'intensification des pressions réglementaires soulève des interrogations.

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